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C’est finalement dans un café en plein coeur du quartier du Marais, à Paris, qu’il fixe la rencontre. Cocasse lieu de rendez-vous pour ce démissionnaire de son poste de magistrat administratif suite à la loi sur le mariage pour tous. C’est à ce moment que l’idée lui est venue de reprendre les rênes de l’association, pour protéger les enfants, trop exposés au sexe au cinéma… Mais pas seulement. Entre deux gorgées de thé et des explications sur la nature du combat mené contre le CNC, le juriste avoue que nous nous dirigeons vers ce qu’il appelle « l’indifférenciation des sexes ». Et la loi Taubira en est une des causes. « Quand je sera grand, je sera une femme », le credo des générations à venir ? La citation n’est en tout cas pas de nous.

« La jeunesse est en train de perdre un trésor inestimable qu'est l'émotion »


Promouvoir a la réputation d’être une association très secrète. Pourquoi en êtes-vous la seule voix? 


Le prétendu caractère secret, c’est du bidon. L’association n’a rien de secret. Il n’y a plus de site internet parce qu’il a été piraté à deux reprises et que c’est un investissement. Mais si vous tapez sur internet, vous allez tomber sur le site du bulletin des associations, nous avons des boîtes postales et un siège à Carpentras. Vous écrivez, on vous répond. Certains journalistes sont contents de faire courir le bruit que c’est secret. Canal +, par exemple, nous a joint à plusieurs reprises. Je leur ai présenté deux adhérents de Promouvoir, ils ont passé deux heures ensemble mais rien n’a été diffusé sur les personnes en question, parce qu’ils attendaient simplement qu’ils dérapent pour pouvoir présenter l’association de manière extrêmement négative. C’est pour cela que maintenant, le conseil d’administration fait toujours appel à moi pour parler.



Nous avons joint la mairie de Carpentras, mais elle n’a pas vos coordonnées...


Si la mairie n’a pas nos coordonnées c’est parce qu’elle n’aime pas Promouvoir parce que c’est une organisation bien orientée sur le plan politique. Si elle les veut absolument, elle n’a que 50 mètres à faire pour les demander à la sous-préfecture. Quand nous avons participé à des journées annuelles à la Maison des associations, nous nous sommes rendus compte que ce n’était pas du tout productif. Aujourd’hui quand vous menez une action purement juridique, vous vous faites agresser physiquement, au nom de la tolérance (sourire).

La majorité sexuelle en France est de 15 ans. Pourquoi ne pas se baser sur cette limite ?


Il faut distinguer l’expérience personnelle et le visionnage, de type voyeurisme, de scènes de sexe en dehors de cet engagement personnel. On n’est plus dans la découverte personnelle de quelque chose avec un autre être humain. On est dans l’exhibitionnisme public et c’est destructeur parce qu’il n’y a plus cette présence humaine, simplement une excitation de l’esprit et des sens. À terme, c’est négateur de l’autre. Les psychiatres sont unanimes là dessus. 


Et quelles en sont les conséquences ? 


On est en train de détruire une partie de la jeunesse. Ils perdent un trésor inestimable qui est celui de l’émotion de ce qui est beau, de la découverte progressive de l’amour avec une personne qu’on aime. Alors dans certains sondages, il y a encore des filles qui disent vouloir attendre « l’homme de ma vie », oui. Mais c’est en train de s’étioler : ce qu’on leur propose c’est des soirées de gang bang où on s’éclate ensemble, où on est sensé être heureuse parce qu’on s’est fait trois garçons dans la soirée, qu’on a bu de la bière et qu’on est à moitié saoule. Aujourd’hui on voit des jeunes gens faire l’amour de plus en plus tôt - quand je dis « faire l’amour » c’est un bien grand mot parce qu’on a des majorités de cas où c’est des scènes de fellation collectives dans les toilettes. Combien de jeunes filles sont choquées quand elles ont des rapports sexuels avec des jeunes hommes de leur âge, parce qu’ils vont leur demander de faire de ce qu’ils ont vu dans les films porno ? Ces filles peuvent se détacher de l’autre sexe et cela peut bien sûr les conduire à l’homosexualité, par une réaction de rejet. Ou alors ça va être la fuite en avant, le mépris complet : « Allez, on s'en fiche, on fait ça n'importe comment. »

Ne pensez-vous pas que c’est aux parents d’empêcher les enfants d’avoir accès à ce genre d’images ? 


Vous avez vu le nombre de films qui sortent tous les ans ? Comment voulez vous, en tant que parent, être capable de dire à vos enfants qui ont 12 ou 13 ans et qui veulent aller au ciné avec des copains : « non ne regarde pas ça » ? Tous les parents n’ont pas l’obligation d’être des cinéphiles et les critiques ne permettent pas de savoir de quoi parle le film. Vous n’en savez rien. Le rôle de l’État est d’assurer cette protection des mineurs. Nous on a des gens qui sont formés pour cela, qui sont capables d’avoir une appréciation fondée pour la jeunesse et on va donner cette information à tous. 



Estimez-vous ne pas être assez entendus par les politiques? 


Je suis arrivé à la conviction qu’il y a une volonté d’imposer la violence et la pornographie aux plus jeunes pour détruire la famille et les structures familiales. Il y a une constante dans les doctrines libertaires et trotskistes : La famille est un obstacle à la libération de la société. On va inculquer des valeurs à l’enfant qui est élevé dans un cadre familial, et ces valeurs vont l’empêcher ensuite d’être un citoyen tel qu’on voudrait qu’il soit. C’est un phénomène qui est commun à tous les systèmes totalitaires comme les nazis ou les fascistes italiens. Aujourd’hui en France, quand on veut rendre obligatoire la crèche dès l’âge de trois ans, puis ensuite deux voir même un an et demi, on fait aussi en sorte que les enfants soient retirés à leur famille. J’ai déjà proposé à la Commission de classification de collaborer avec eux, mais silence radio de leur part. J’ai même demandé, il y a trois semaines, un rendez-vous au ministère de la Culture mais je suis toujours sans réponse. 


Ne considérez-vous pas certains des films que vous attaquez comme des oeuvres d’art qui se justifient de nature ? 


Cette question est hors débat. Cette préoccupation existe déjà, y compris dans la jurisprudence dont je demande l’application. Parce que si vraiment c’est artistique, si vraiment, l’objet n’est pas de montrer le sexe mais de faire passer un autre message, le Conseil d’État ne demandera pas l’interdiction aux moins de 18 ans. Je vais prendre l’exemple de Love : où est l’art dans Love ? Oui à un moment donné, il met une pièce au clavecin de Bach pendant une scène de sexe. J’en déduis qu’il croit faire de l’art parce qu’ils sont allés chercher un morceau de musique et l’ont plaqué dessus. Mais si je ramasse un caillou par terre et que je lui donne deux coups de marteaux, je peux vous le présenter et vous dire « voilà ma sculpture », et vous n’avez pas le droit de porter un jugement sur mon oeuvre d’art ? On assiste à une sorte de volonté de puissance où, sous prétexte que c’est de l’art, sans que qui que ce soit n’ait le pouvoir d’émettre un jugement, on a le droit à tout. Et la proposition de modification de la loi sur le cinéma, se base sur cette logique. Il y a une scène de sexe non simulée, je suis artiste, donc j’ai le droit de la montrer. C’est une réelle fuite en avant sur le plan intellectuel.



Propos recueillis par Sofia De Sá Pereira, Tina Duarte-Monteiro et Mathilde Poulain

l’association qui a fait retirer le visa d’exploitation de La Vie d’Adèle n’aime pas les médias - « Ils ne font qu’attendre des dérapages » explique André Bonnet, co-fondateur de Promouvoir. D'abord réticent, échaudé par des expériences malheureuses, l'avocat de l'organisation aux « 500 adhérents et sympathisants » (selon des chiffres qu’il est le seul à posséder) accepte de nous rencontrer. Lorsque l’on souhaite s’assurer du lieu de rendez-vous, l’homme se dévoile déjà un peu en un message : « je n’ai qu’une parole », confirme-t-il. Celle d’un sexagénaire, père d’une fratrie de sept enfants et diplômé de philosophie avant tout, qui a fait de son quotidien une chasse aux films jugés trop violents ou sexuellement explicites, au nom des valeurs judéo-chrétiennes. 

« On est en train de détruire une partie de la jeunesse. Ils perdent un trésor inestimable qui est celui de l’émotion de ce qui est beau, de la découverte progressive de l’amour avec une personne qu’on aime  »


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1996


L’association Promouvoir naît à Carpentras : « C’est un groupe de parents qui se sont rendus compte que la violence et la pornographie avaient de plus en plus de place dans le cercle public et que les lois n’étaient jamais appliquées »


1999


Baise moi, premier film auquel Promouvoir s’attaque, est subitement retiré des cinémas français deux jours seulement après sa sortie en salle

janvier-février 2014


Recours en justice contre Nymphomaniac Volume 1 et 2 de Lars Von Trier, le tribunal de Paris décide d’interdire le diptyque aux -18 ans.

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© affiche du film la fièvre dans le sang de elia kazan (1961)

« ce très beau film est devenu incompréhensible pour la plus part des jeunes de notre temps   »


 

9 décembre 2015

 

la décision de justice est rendue :  la vie d'adèle perd son visa d'exploitation

 

Courant 2016

Bang Gang est attaqué par l’association malgré l’absence de scènes de sexe non simulées à l’écran. L’affaire est actuellement en cour de cassation

 

 

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© affiche du film la dracula de terence fisher (1966)

« Ce film m’a hanté. il avait un aspect malsain : Tant que vous n’appelez pas le vampire à entrer chez vous, il ne peut pas entrer. Mais si vous l’appelez une fois, il rentre librement autant qu’il veut. il y avait quelque chose en moi qui faisait que je voulais qu’il entre »


« Il y a une volonté d’imposer la violence et la pornographie aux plus jeunes pour détruire la famille et les structures familiales »


« Si je ramasse un caillou par terre et que je lui donne deux coups de marteaux, je peux vous le présenter et vous dire “voilà ma sculpture”, et vous n’avez pas le droit de porter un jugement sur mon oeuvre d’art ? »


L’association a commencé par s’attaquer à des BD mises en vente aux mineurs et jugées trop violentes. Qu’est-ce qui a déclenché votre intérêt pour le cinéma? 

 

La sortie de Baise Moi. Avant, l’association ne s’intéressait pas au cinéma de façon aussi poussée, mais ce film était d’une violence extrême. Les textes pour protéger les plus jeunes face au sexe au cinéma existent, mais ils ne sont pas respectés alors qu’ils sont pourtant très clairs. Il y a un article du code pénal (l’article 127, ndlr) qui dit : « on ne montre pas de la pornographie à des mineurs. » Respectons le, bon sang. C’est ce pourquoi on se bat. L’association n’a jamais voulu que Baise Moi soit classé comme film pornographique, mais étant donné que le texte qui permettait d’interdire un film aux moins de 18 ans avait été supprimé, il a dû être classé en X. Le Tribunal Administratif de Paris et la Commission de Classification refusent d’ailleurs d’appliquer ce droit car ils continuent de dire que l’intention du réalisateur n’était pas de faire du porno… Sans se rendre compte qu’un enfant de 12 ans, l’intention du réalisateur, il ne la comprend pas. Il n’a pas encore le recul cinématographique et intellectuel nécessaire à cela. Ce qui est grave, c’est que là, les ministres et certains réalisateurs ont compris que sur le plan du droit c’était plié. Que cette méchante association intégriste qui comprend rien à rien, a raison. Ils sont donc en train d’essayer de mettre au point une réforme du texte pour que dès lors qu’il s’agit d’une oeuvre artistique, l’article du code pénal ne s’applique plus. Le gouvernement s’apprête à contourner le code pénal et à écrire noir sur blanc que dès lors qu’une oeuvre se prétend artistique, il n’y a plus de limite pour qu’on la montre à des mineurs. 

 

 

Qu’est ce qui vous motive ? Pourquoi veiller autant à ce que les mineurs ne soient pas exposés à des images à caractère sexuel explicite ? 

 

Le sexe, la géopolitique, l’art et la musique, sont tout ce qui fait qu’il y a de belles choses dans notre monde. Mais si on les protège pas, ce monde va devenir affreux. La raison d’être de personnes qui réfléchissent un peu c’est d’essayer d’empêcher que cela arrive. Et quand vous avez 14 ou 15 ans et que vous voyez des scènes comme celles de La Vie d’Adèle, cela vous marque à vie. C’est en tous cas ce que nous a dit une jeune fille de 12 ans qui avait vu ce film : elle a eu mal au ventre pendant quinze jours et ce sont les professeurs qui ont alerté les parents en leur disant que leur fille ne travaillait plus et se plaignait de douleurs. La Vie d’Adèle n’est pas un film pornographique mais c’est un film dans lequel il y a une scène de pornographie. C’est complètement différent et il faut bien comprendre le combat qui a été mené par l’association à ce niveau-là. Cela n’a aucun sens pour un enfant de 13 ans de voir une scène de sexe qui dure pratiquement huit minutes où les actrices elles-mêmes disent que cela n’était pas simulé.

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