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Couvrez ce gland que je ne saurais voir 

Un sexe féminin par-ci, un téton par-là... Mais où sont les hommes ? Selon la New York Film Academy, 26.2% d’actrices se dénudent partiellement à l’écran contre seulement 9.4% de leurs compères masculins. Sexisme ? Que nenni. Il semblerait tout simplement que la vision d’un sexe masculin...soit génante. Sacrilège.


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366 avant Jésus-Christ, Antiquité. Alexandre le Grand est roi de Macédoine, l’Empire grec est prospère. À l’entrée des temples et des maisons, des statues à peine surprenantes pour le visiteur de passage : des phallus en érection. Symbole de force, de richesse, de grandeur, de virilité, de réussite, il faisait état de la bonne santé du territoire. En Occident, il représentait même la fécondité, porté en amulette comme porte-bonheur par les jeunes enfants. Pas anodin, donc, d’en voir accroché à l’entrée des maisons ou travaillé, en érection, sur des colonnes à l’effigie d’Hermès, le messager des Dieux.


Mais avec la christianisation du monde, le sexe génital de l’homme est peu à peu réduit à la définition de l’obscénité. Au milieu des années 1500, le Concile de Trente de l’Eglise catholique décide que la nudité dans l’art religieux doit être bannie.  Les statues au Vatican se voient même recouvrir d’une feuille de vigne, la légende prêtant cette entreprise à l’oeuvre d’un pape capricieux, qui, pris de folie, se mis un jour à castrer l’intégralité des statuettes de l’État à coup de masse. Un tabou religieux devenu tabou moral du XXIe siècle, à l’époque de la sexualité libérée, des pénis, verges, phallus, machins, zobs, teubs. D’interdiction en interdiction, de la vie au grand écran,  il est tout simplement devenu normal d’en parler, mais gênant de le voir.



Une question d’habitude…





« Nous n’avons pas conscience à quel point nous sommes conditionnés par nos cultures. Le manque d’habitude du corps nu de l’homme fait qu’il y a un mouvement de recul. Dans les cultures passées, le culte du phallus et de la nudité masculine était naturel. Aujourd’hui, nous l’avons remplacé par la construction de tours de plus en plus hautes. » Pour Sophie Bramly, productrice des court-métrages X femmes pour Canal Plus, le problème viendrait tout simplement d’une question d’habitude. Un point de vue partagé par le producteur britannique  Andrew Eaton, qui dénonce en creux une industrie du cinéma dirigée et consommée par des hommes : « Il est clair qu’il y a différents degrés de censure qui s’appliquent lorsqu’on compare les deux sexes. On vit encore dans une société où l’égalité des genres n’existe pas, le sexe est vendeur et ce sont les hommes qui occupent majoritairement ce marché. »





Face aux chiffres, difficile de nier. Devant les caméras, une actrice sur trois apparaît nue ou à moitié nue, selon les derniers chiffres du SDSU (Center for the Study of Women in Television and Film). 


Nombreuses sont les voix à s’être déjà élevées devant cette inégalité à l’écran sous forme d’objectisation féminine, de Lena Dunham, aux États-Unis, à l’écrivaine et réalisatrice Virginie Despentes, en France.


L’année passée, c’est dans un édito pour la 15e édition des Journées cinématographiques dionysiennes que la Française se lâchait : « À force de voir dans les films des femmes enfiler des petites culottes et des hommes sortir une arme, on finit par imaginer que ça représente une part de vérité. Par moments ça donne envie d’interrompre la projection : elles ne pourraient pas mettre leurs chaussures, pour changer ? (…) Le cinéma est inventé pour nous faire croire que ça existe, le genre. »




…mais aussi de science




Si la gêne existe, pourrait-elle être mesurée ? Patrice Gravereau, psychologue, en est certain. Le problème ? Visuellement, un sexe féminin ne se voit pas, contrairement à son homologue masculin : « Quand vous voyez un sexe masculin, surtout en érection, vous ne voyez pas un corps, vous voyez l’acte sexuel. C’est cette question de sexualité qui perturbe. » L’homme, refusant d’accepter sa démarche de recherche de plaisir comme un phénomène naturel, serait effrayé l’idée de ressentir du désir en public - et au cinéma. Mais plus que les deux dimensions sexistes et scientifiques, la notion de « beauté » entre en jeu. Vladimir Dachevski, directeur de la photographie de Palais Royal (2004), Je vous trouve très beau (2005) ou encore La Conquête (2010), le visualise ainsi : « Un homme nu devient tout de suite assez narcissique. Une femme nue représente la beauté. C’est quelque chose d’une beauté infinie. » Comme toujours, à la recherche de la lumière parfaite, du cadre décisif et de l’image transcendante. Et force est de constater qu’avec un corps masculin, Vladimir patine.


Sofia De Sá Pereira 

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L'inégalité homme/femme dans le milieu du cinéma 

« À force de voir dans les films des femmes enfiler des petites culottes et des hommes sortir une arme, on finit par imaginer que ça représente une part de vérité. Elles ne pourraient pas mettre leurs chaussures, pour changer ? »

X femmes est une série de courts-métrages érotiques réalisés par des actrices de renom comme Arielle Dombasle, Lola Doillon, Héléna Noguerra ou Mélanie Laurent. Par des femmes, pour les femmes. En 2008, l’audience était telle que Canal+ en avait recommandé une deuxième saison. L’idée de la productrice Sophie Bramly était de proposer un cinéma plus « woman friendly », pour permettre aux femmes d’explorer leur sexualité au même titre que les hommes :



















« Un jour je me suis aperçue que le mot sexe était tapé exclusivement par des hommes. Parce qu’il ne redirigeait vers rien concernant les femmes. Sachant que ça représentait à l’époque 50% de l’internet mondial, ça m’était insupportable. La moitié de la population mondiale était soustraite. Proposer des films pour les femmes, c’est essayer d’être au plus près de leurs aspirations, de leurs fantasmes. On va par exemple mettre la performance en sourdine, au profit du plaisir. La taille du pénis de l’acteur, la rapidité du rythme, l’éjaculation visible sont des préoccupations masculines. En changeant l’angle de la caméra, on va filmer plutôt le plaisir de la femme, la stimulation plus sensuelle de sa poitrine, de son clitoris… »

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« Un homme nu devient tout de suite assez narcissique. »

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Mark Wahlberg et sa prothèse pénienne de 33cm dans Boogie Nights


Virginie Despentes

Vladimir Dachevski

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