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Si les films sortis dernièrement en salle tendent à montrer des scènes de sexe de plus en plus explicites, certains cinéastes préfèrent rester dans la suggestion. Pour eux, c’est sûr : pas besoin de montrer des corps nus en pleine action ou un sexe face caméra ; la beauté de la sexualité est aussi dans le mystère. Voici donc quatre techniques parmi les plus prisées des réalisateurs pour suggérer l’acte sexuel au cinéma. Suivez le guide.


Technique n°1 : la coupe


C’est sans aucun doute l’astuce la plus utilisée par les réalisateurs pour ne pas trop en montrer. On peut ainsi procéder de deux manières :


      En coupant le début de la scène. Ex : la scène commence au lit, et l’on découvre les deux personnages déjà nus sous les draps, essoufflés et parfois même commentant leurs ébats (« C’était génial ! »). On ne voit ainsi rien de l’acte sexuel en lui-même, mais on peut deviner assez facilement ce qui s’est passé avant le début de la scène...

      En coupant la fin de la scène. Ex : les acteurs s’embrassent passionnément, la température monte d’un cran, ils commencent à se déshabiller l’un l’autre et... coupé ! Ici encore, pas besoin d’être Einstein pour deviner ce qui va se passer ensuite...


Pour David Moreau, scénariste et réalisateur, le recours à cette technique relève quelque peu de la solution de facilité : « Je ne vais pas cracher dans la soupe, je m’en suis moi-même souvent servi. Pour les comédies grand public, c’est souvent plus simple de ne pas trop en montrer. On ne prend pas beaucoup de risques, et du coup personne ne sera choqué. Après, le problème à mon sens est que souvent, le spectateur reste un peu sur sa faim... Il veut en voir plus ! Et moi aussi (rires) »

Pour illustrer cette technique de la « coupe », on peut citer par exemple le film Pearl Harbor et la scène d’amour on ne peut plus romantique entre Josh Hartnett (Danny) et Kate Beckinsale (Evelyn), visible juste à côté à partir de 2”50. 

Technique n°2 : l'aperçu


Un bruit de succion, une respiration saccadée, une main débridée, un pied affolé... Autant de petits signes qui, contextualisés, évoquent clairement l’appel de la chair. Qui ne se rappelle pas de cette main transpirante venant essuyer la buée de la fenêtre de la voiture dans la soute du Titanic ? À cet instant précis, on devine sans problème que Jack vient d’offrir un orgasme sans pareil à la jeune Rose, quelques heures avant le naufrage. De même, dans Étreintes brisées de Pedro Almodovar, le pied nu et tremblant de Penélope Cruz témoigne du plaisir qu’elle semble prendre. « La démarche de montrer une partie du corps, ou de mettre en exergue des bruits suggestifs, est très artistique », explique Geneviève Sellier, historienne du cinéma et spécialiste des représentations des rapports sociaux de sexe sur grand écran.

« Beaucoup plus artistique que la technique de la “coupe” par exemple. Quand on coupe une scène, c’est souvent par souci de ne pas choquer. Quand on montre un bout de peau ou qu’on laisse entendre un bruit tendancieux, il y a beaucoup plus de recherche. La démarche est davantage basée sur la beauté de la scène, que sur le souci de ne pas choquer qui que ce soit. »

Allez, rien que pour le plaisir, on se remet la scène culte de Titanic avec la main de Rose sur la vitre embuée...

Technique n°3 : le camouflage


Également très prisé des réalisateurs, le fait de camoufler l’acte sexuel pourrait se suffire à lui-même dans la définition de cet art qu’est la suggestion. Que cela soit grâce à des draps, des rideaux, une fenêtre, une porte ou tout simplement la pénombre, il existe de multiples façons de dissimuler deux acteurs en pleine action.

L’exemple le plus marquant reste celui du Secret de Brokeback Mountain se rappelle le réalisateur David Moreau. « Il est déjà très surprenant de la part d’un film hollywoodien à gros budget d’avoir mis en scène une histoire d’amour entre deux hommes - deux cowboys qui plus est ! Il ne fallait donc pas trop choquer l’Amérique puritaine. C’est pourquoi ils se sont servis de la pénombre. Dans la scène sous la tente, on distingue à peine les silhouettes des deux hommes ; tout y est suggéré. » Selon le réalisateur, la technique du “camouflage” serait un mélange de la “coupe” pour le fait de ne pas vouloir choquer, et de “l’aperçu” pour le côté artistique.

S’il semble effectivement bien difficile de distinguer quoi que ce soit dans cette fameuse scène sous la tente, bien aisé de comprendre ce qui se trame…

Technique n°4 : la métaphore


Le train dans le tunnel... Une métaphore vieille comme le monde qui a fait ses preuves. Et ça, Alfred Hitchcock l’a bien compris.

« La scène de fin de La mort aux trousses est tout de même assez mémorable » confie l’historienne du cinéma Geneviève Sellier. Dans cette scène, on voit Cary Grant et Eva Marie Saint échanger un baiser puis s’allonger dans leur couchette, avant que la scène ne se coupe et ne laisse place au train qui rentre à toute allure dans un tunnel !

« Ce qui est drôle avec cette astuce de la métaphore, c’est que certaines personnes vont se rendre compte de l’allusion sexuelle et d’autres non. Bon, dans le cas La mort aux trousses, difficile de ne pas s’en rendre compte ! (rires) Mais dans d’autres cas, cela laisse libre cours à l’interprétation du spectateur. C’est ce que j’aime dans le cinéma » termine l'historienne.  

Tina Duarte Monteiro

Comment l’acte sexuel

peut-il être suggéré ?

« Les spectateurs ont aussi leur part à jouer. S’ils ne voient rien ils se l’imaginent. Mais lorsqu’ils voient tout ils imaginent qu’ils ne voient rien à cause de l’état dans lequel ils sont. C’est le désir qui fait la scène d’amour; pas le fait de voir ou de ne pas voir. Le cinema c'est cela : faire croire que l’on a vu quelque chose alors que l'on a été renvoyé à notre vécu. »




Catherine Breillat

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